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Pieux mensonges dans le Royaume de Dieu

Le chapitre qui suit est certainement l’un des plus importants de l’ensemble des sujets qui m’ont engagé à me rapprocher des mormons fondamentalistes indépendants.


Si on aborde la question d’éventuels « arrangements avec la vérité » de la part des dirigeants de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Deniers Jours (Église majoritaire), les Saints et particulièrement les dirigeants locaux, exprimeront leur désapprobation. S’ils n’ont pas pris la peine de procéder à des investigations poussées, ils sauront vous faire comprendre qu’une Église restaurée et dirigée par un Prophète, Voyant et Révélateur ne pourrait en aucun cas tomber dans ce travers. Nous pourrions leur objecter que très souvent les Autorités générales nous ont rappelé notre devoir d’approfondir notre foi et nos connaissances et qu’en accord avec ces principes, il nous incombe de « construire » notre propre témoignage. J’ai souvent été confronté à des dirigeants qui aveuglés par leur foi inconditionnelle, se retranchaient derrière un mur d’incompréhension… un peu comme les prêtres d’une certaine église… qui dans des temps anciens déconseillaient, voire interdisaient la lecture des Écritures, sous le prétexte caché, qu’elles pourraient nous révéler des vérités évidentes et différentes de leur enseignements.

Le cas des dirigeants mal informés est illustré par cette déclaration :

« Les dirigeants de l’Église ont autant d’expérience de l’histoire de l’Église que quiconque a fait le séminaire ; ils n'essayent donc pas de cacher un problème ou un grand secret ou un grand mystère, parce qu'ils n‘en connaissent pas. S'ils n'ont pas acquis la connaissance de l'histoire de l’Église avant de devenir Autorités générales, ils n'ont pas le temps de l'acquérir. » (D. Michael Quinn « Historian delivers talk at UVSC », Caleb Warnock, Daily Herald, 4 février 2005).

Nous ne leur jetterons pas la pierre. Chacun a des efforts à faire pour progresser en connaissance. La seule Foi en Jésus-Christ a déjà éclairé le chemin de milliers de croyants.

En revanche, refuser de débattre d’un sujet épineux peut conduire un membre troublé vers des sentiers cahoteux et, la responsabilité de nos supérieurs dans la prêtrise reste engagée. Il y a le plus souvent grand intérêt à considérer une approche bienveillante et inspirée, contenue dans des prières ou des bénédictions appropriées, afin d’entreprendre la compréhension si ce n’est par l’étude, du moins par l’esprit. L’injonction autoritaire qui trop souvent réclame le repentir pour avoir osé « réfléchir » demeure une pratique parfaitement détestable, antichrétienne et totalement contraire aux principes d’ouverture que l’Église a toujours prônée.


Ainsi, quand on regarde les évènements qui ont entouré le renoncement à la polygamie par l’Église. On peut simplement accepter de penser que le Seigneur a mis nos Guides sur un bon chemin avec des procédures adaptées, ou bien explorer les annales pour en comprendre le déroulement.

Il est probable que beaucoup de membres et dirigeants de notre époque ne savent pas réellement dans quelles circonstances le Manifeste a été élaboré. Ils l’acceptent comme tel, croyant sincèrement que la façon dont l’arrêt de la polygamie avait été présenté, demeure fidèle à la réalité.


L’accès inconditionnel aux Archives de l’Église (depuis les années 70) apporte bien des éclaircissements sur cette période et les arguments souvent présentés par les détracteurs qui se limitent à la notion de Révélation contestée, s’ouvrent à de nouveaux éléments authentiques et indiscutables puisque contenus dans les minutes mêmes ayant entouré ces évènements.


La période pendant laquelle s’est développé la pratique du mariage plural, depuis le moment où il a été enseigné et autorisé, c'est-à-dire aux alentours de 1852, jusqu’au moment où l’Église a du se résoudre à l’abandonner aux environs de 1890 ; le peuple Mormon a été la proie de persécutions sans nom. De nombreuses lois se sont succédé depuis les lois Morill (1862), Edmunds (1882), Poland (1874) pour finir avec la loi Edmunds-Tucker (1887) qui donna le coup de grâce. L’État déploya tout un arsenal de condamnations, d’interdictions et de punitions pour réduire la résistance des Mormons. Beaucoup de frères allèrent en prison, leurs biens furent confisqués, les familles furent séparées jusqu’au moment où le gouvernement des États-Unis lança un ultimatum : Ou les mariages pluraux cessaient et la pratique en était abandonnée par l’Église ; ou bien, elle était dissoute, ses biens confisqués (y compris les Temples), ses dirigeants emprisonnés et les enfants placés dans d’autres familles.

Il semble évident dans de telles circonstances, que le Prophète n’avait guère d’autres alternatives que d’obtenir l’accord du Seigneur pour officialiser une telle décision. Personne ne conteste le travail sérieux de Foi et de prières que le président de l’Église dut mettre en œuvre ; ni le sentiment d’inspiration qu’il dut ressentir dans ce choix cornélien. Beaucoup d’organismes non religieux, poussés dans des retranchements aussi persuasifs auraient obtempéré à la suite d’un simple congrès de ses dirigeants… ou bien peut-être seraient entrés en dissidence et auraient poursuivi dans le secret.


Peut-on imaginer que l’Église a fait les deux ? Il fallait une déclaration officielle incontestable pour calmer le Gouvernement, mais dans le même temps, il était nécessaire d’expliquer au peuple cette décision.

Il serait certainement aussi difficile aux frères déjà polygames, d’abandonner la pratique que de l’accepter – ce qui avait représenté souvent à ses débuts, de grands déchirements.


Une Révélation de circonstances ?

Personne n’a jamais douté du fait que Wifford Wodruff a sincèrement prié, ni qu’il n’a ressenti en son cœur la nécessité de se plier. Il a dit et (presque) tout le monde l’a cru… que le Seigneur s’était manifesté « J'ai débattu toute la nuit avec le Seigneur au sujet de ce qu‘il fallait faire dans les circonstances actuelles de l’Église. Et voici le résultat : »… ce fut le Manifeste !

Il ne pouvait pas dire « Le Seigneur commande que nous cessions de croire dans le Plan d’Exaltation qui nécessite le mariage plural » Il ne pouvait tout simplement pas le dire ! Parce que non seulement le Seigneur ne change pas, mais qu’il ne répond pas à la pression des hommes !

Il fallait bien se débrouiller avec cela !

Le Manifeste inclus dans les Doctrine & Alliances stipule qu’il fut accepté à l’unanimité ! Ce pieux mensonge était la seule façon de calmer les juges et les dirigeants politiques. Il n’avait pas d’incidence dans le corps de l’Église. Elle s’était pliée à la tactique, peu importe si tout le monde était d’accord ! Le principal était que l’Église ait légiféré selon la compréhension de l’État.

Les rapports de l’époque montrent les circonstances de l’acceptation :

« Le président Woodruff publia le Manifeste avec l'approbation de trois des apôtres seulement. Lors d'une réunion postérieure à sa publication, sept sur neuf apôtres soutinrent la mesure. Parmi les partisans du oui, quatre précisèrent qu'ils ne soutenaient pareille déclaration que sur le territoire des États-Unis » (Journal de Heber J Grant, 30 septembre-1er octobre 1890).

Ainsi que l’explique le Docteur Gregory L Smith dans son ouvrage « Polygamie, Prophètes et Esquives » en 2005 : Le président Wilford Woodruff ne voyait pas les choses de la même façon : c'était plutôt un « devoir » de sa part que le Seigneur exigeait. La formulation même du Manifeste le montre bien : il n’y est pas question de « Nous la Première Présidence et le Conseil des Douze », mais simplement de Wilford Woodruff à la première personne du singulier.

La formulation est soigneuse et précise : « Je déclare par la présente mon intention de me soumettre à ces lois et d'user de mon influence auprès des membres de l'Église que je préside pour qu'ils fassent de même… Et je déclare maintenant publiquement que mon conseil aux saints des derniers jours est de s'abstenir de contracter tout mariage interdit par la loi du pays » (Déclaration officielle).

Malheureusement et malgré la publication du second Manifeste de 1904, l’Église est condamnée a régulièrement réaffirmer cette décision pour l’extérieur et à contrôler son application à l’intérieur. Progressivement, certes, elle est parvenue a faire cesser totalement la pratique, mais le Manifeste de 1890 ayant calmé les législateurs, elle pouvait prendre son temps pour le faire accepter par tous ceux (y compris les Présidents ultérieurs et les Apôtres) qui pratiquaient encore le mariage plural.

Ce qu’elle ne fit pas et qui est sans doute l’un des grands reproches des fondamentalistes, fut de ne pas mettre à profit le temps pour progressivement régulariser la situation des femmes plurielles et des nombreux enfants qui immanquablement allait se retrouver sans famille ou du moins sans père.

Cette perspective était tout bonnement impossible à envisager et produisit beaucoup de mensonges, de faux semblants et d’arrangements.


Wilford Woodruff, Lorenzo Snow et Joseph F Smith en tant que Présidents-Prophètes durent eux-mêmes se plier à des tolérances : Ils nommèrent des Apôtres ou d’autres membres de la Prêtrise pour poursuivre les mariages pluraux. Les archives en mentionnent plusieurs : l’Apôtre Joseph F Smith, sans l’autorisation de Lorenzo Snow demanda à frère Alexander F Mc Donald de réaliser des mariages à Suarez au Mexique en 1901, le prévenant de ne pas s’inquiéter des avertissements éventuels du Prophète. En 1903, il autorisa Anthony W Ivins à faire de même.

Le 6 avril 1904, quand le Président Joseph F Smith publia le second manifeste, ce fut après avoir été condamné lui-même pour cohabitation avec plusieurs épouses. Il ne pouvait pas faire autrement que de mentir quand il annonça : « …moi, Joseph F. Smith, président de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, affirme et déclare par la présente qu'aucun mariage de ce genre n'a été célébré avec la sanction, le consentement ou la connaissance de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours et j'annonce par la présente que tous les mariages de ce genre sont interdits et que si un dirigeant ou un membre quelconque de l‘Église prend sur lui de célébrer ou de contracter un tel mariage, il sera considéré comme étant en transgression vis-à-vis de l‘Église et sera passible de sanctions conformément aux règles de celle-ci et en sera excommunié. Joseph F. Smith, président de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours…. ».


Comme le rappelle le Docteur Gregory L Smith cité plus haut :

« La précision donnée par le président Smith est claire. Il nie que l’Église ait approuvé de tels mariages (tout en restant – et c‘est important – silencieux sur le fait que des dirigeants ou des autorités de l’Église avaient, à titre personnel, approuvé des mariages). Il faut se rappeler que les actes officiels de l’Église exigent l'unanimité des collèges présidents ; comme nous l‘avons vu, ceci ne s'est jamais produit pendant la polygamie d’après le Manifeste. La formulation du président Smith était donc techniquement correcte, mais continuait la politique de tromper le gouvernement si c‘était absolument requis pour que l’Église puisse continuer à exister ».

On sait pourtant que des mariages pluraux furent accomplis par des Autorités nommées par la Présidence et cela depuis John Taylor jusqu’à Joseph F Smith.


Il n’est pas utile de poursuivre la démonstration qui n’apporterait rien de plus dans les détails fournis. Chacun est évidemment libre de faire ses propres investigations. Je suis pour ma part convaincu d’une chose, c’est de la réponse qui serait donnée par un membre fidèle de l’Église à cette simple question :

Le mariage plural est-il oui ou non et encore aujourd’hui un commandement du Seigneur inclus dans le Plan d’Exaltation ?


S’il l’est, comment envisageons-nous la réaction du Seigneur lors de son retour ultime au début du Millénium ?

Condamnera-t-il les uns pour désobéissance… et recevra-t-ils les autres pour obéissance ?... Ou apportera-t-il un éclairage différent ?


A mon avis, il prendra chaque frère qui s’est senti fidèle par les épaules et l’accompagnera dans la poursuite de son chemin. C’est ainsi que je me demande aujourd’hui pourquoi tant de choses nous séparent !


Frère Germain

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