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IMMUNITE CANONIQUE EN FAVEUR DES AUTORITÉS RELIGIEUSES

  • Frère Germain
  • il y a 1 jour
  • 6 min de lecture

Ce 4 avril 2025, par un arrêt de principe rendu en assemblée plénière de la Cour de Cassation, la plus haute juridiction judiciaire française protège les autorités religieuses en leur conférant une réelle immunité canonique en ces termes :


"Le juge judiciaire ne contrôle pas la décision prise par une autorité religieuse de renvoyer l’un de ses ministres du culte.

Il ne peut pas non plus connaître des conséquences matérielles de cette sanction qui entraine une perte de rémunération, de protection sociale et de logement.

Il pourrait toutefois connaître de l’indemnisation d’un préjudice reconnu comme détachable de l’engagement religieux eu égard à la nature du droit méconnu par l’autorité religieuse".


Compte tenu des nombreux textes juridiques et jurisprudentiels auxquels il est fait référence, nous publions ci-dessous l'intégralité de la motivation de la Cour de cassation. Reste entière la question, que nous avons déjà soulevée à plusieurs reprises, à savoir celle de l’immunité canonique pour les fidèles de telle ou telle religion : "l’incompétence des juridictions internes peut-elle être décidée pour de simples fidèles qui bénéficieraient ainsi de la même immunité canonique que les autorités religieuses ?" Ce questionnement est régulièrement soulevé par les avocats américains dans les procès touchant des mormons dont l’extrémisme les a conduit à porter atteinte à l’ordre public et donc à ne pas bénéficier, aux États-Unis, malgré la liberté religieuse, de ladite clémence canonique. Il conviendra de continuer à suivre les affaires pour répondre définitivement à l’interrogation lorsque l’ordre public ne sera pas en cause.

Frère Yves 4 avril 2025


MOTIVATION


"Réponse de la Cour


7. Selon l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal qui décidera des contestations sur ses droits et obligations.


8. La Cour européenne des droits de l'homme juge que pour que ce texte trouve à s'appliquer sous son volet civil, il faut qu'il y ait contestation sur un droit que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne, que ce droit soit ou non protégé par la Convention. Il doit s'agir d'une contestation réelle et sérieuse, qui peut concerner aussi bien l'existence même d'un droit que son étendue ou ses modalités d'exercice. Enfin, l'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question, un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisant pas à faire entrer en jeu l'article 6, § 1, (CEDH, arrêt du 14 septembre 2017, Károly Nagy c. Hongrie, requête n° 56665/09, § 60). La Cour européenne des droits de l'homme précise que, pour décider si le « droit » invoqué possède vraiment une base en droit interne, il faut prendre pour point de départ les dispositions du droit national pertinent et l'interprétation qu'en font les juridictions internes (CEDH, arrêt du 14 septembre 2017, Károly Nagy c. Hongrie, requête n° 56665/09, § 62), et que c'est le droit tel qu'il a été invoqué dans la procédure interne qu'il faut retenir pour apprécier l'applicabilité de l'article 6, § 1, (CEDH, arrêt du 14 septembre 2017, Károly Nagy c. Hongrie, requête n° 56665/09, § 63).9. Il convient donc de rechercher si, en l'espèce, l'action engagée porte sur un droit dont il peut être prétendu, de manière défendable, qu'il est protégé en droit interne.


10. Selon l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances.


11. Selon l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat, la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les restrictions qu'elle édicte dans l'intérêt de l'ordre public. Selon son article 2, la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.


12. Le Conseil constitutionnel déduit de l'article 1er de la Constitution et de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatif à la liberté d'opinion que le principe de laïcité impose notamment que soient garantis la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, le respect de toutes les croyances, l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction de religion. Il ajoute qu'il en résulte aussi la neutralité de l'État et le principe selon lequel la République ne reconnaît ni ne salarie aucun culte (Cons. const., 21 février 2013, décision n° 2012-297 QPC, cons. 5).


13. Le Conseil d'Etat juge que, s'agissant de la législation spéciale régissant les cultes dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, ni les circonstances que les évêques sont nommés dans ces départements par le chef de l'Etat français et rémunérés, ainsi que les curés, par l'Etat et que les biens affectés au service du culte, y compris leurs dépendances, sont mis à leur disposition par les collectivités qui en sont propriétaires, ni l'existence, dans ces départements, d'un service public du culte, dont sont chargés, en vertu de la loi du 18 germinal an X, l'Etat, les communes et les établissements publics compétents, ni aucune autre règle ou principe général du droit, ne sauraient avoir pour effet de conférer aux décisions prises par les archevêques et évêques pour l'organisation du culte catholique dans leurs diocèses le caractère de décisions administratives soumises au contrôle du juge administratif et qu'il en est ainsi de la décision de nomination du curé titulaire d'une paroisse prise par un évêque, y compris en tant qu'elle a des conséquences sur les modalités d'occupation du presbytère de la paroisse concernée (CE, 10/9, 17 octobre 2012, M. [C], n° 352742, publié au Recueil Lebon).


14. La Cour de cassation juge que l'engagement religieux d'une personne exclut l'existence d'un contrat de travail pour les activités qu'elle accomplit pour le compte et au bénéfice d'une congrégation ou d'une association cultuelle légalement établie (Soc., 20 janvier 2010, pourvoi n° 08-42.207, publié ; Soc., 24 avril 2024, pourvoi n° 22-20.352, publié). Les ministres du culte concernés, au nombre desquels se trouvent ceux liés à une association diocésaine, ne peuvent donc pas invoquer l'existence d'un contrat de travail.


15. Dès lors que l'engagement religieux n'est pas de nature à créer des obligations civiles, ces ministres du culte ne sauraient davantage soutenir que les avantages matériels qui leur sont octroyés pour l'exercice de leurs fonctions cultuelles le sont en exécution d'un contrat.


16. Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'appartient pas au juge civil d'apprécier la régularité ou le bien-fondé de la décision de nomination ou de révocation d'un tel ministre du culte prise par une autorité religieuse légalement établie en application des règles internes qui la gouvernent.


17. Cette règle s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui juge que le principe d'autonomie des communautés religieuses, découlant de l'article 9 de la Convention, interdit à l'Etat d'obliger celles-ci à admettre en leur sein de nouveaux membres ou d'en exclure d'autres (CEDH, arrêt du 9 juillet 2013, Sindicatul « Pástorul Cel Bun » c. Roumanie, n° 2330/09).


18. Dès lors, l'indemnisation de préjudices nés de la décision d'une association diocésaine de mettre fin à la prise en charge matérielle consentie au ministre du culte pour l'exercice de son ministère, lorsqu'elle n'est pas détachable de la décision de révocation, n'est pas un droit défendable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


19. Examinant les griefs invoqués par M. [R], la cour d'appel a retenu que ses demandes étaient relatives à un service ecclésiastique, qui relevait de la seule organisation interne de sa communauté religieuse, et que les préjudices invoqués, liés à la perte de la rémunération, du logement de fonction et du bénéfice de l'assurance sociale, n'étaient que la conséquence de son renvoi de l'état clérical. Elle a ajouté que la contestation de M. [R] imposait d'apprécier à la fois la validité de la procédure suivie devant la juridiction ecclésiastique et le caractère fautif du décret de mise à exécution de cette décision, lesquels relèvent de l'autonomie religieuse.


20. La cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir que les demandes formées par M. [R] contre l'association diocésaine au titre de la perte des avantages matériels, lesquels n'étaient pas détachables de son engagement cultuel, n'étaient pas fondées sur un droit civil défendable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en a exactement déduit qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du juge civil de statuer sur celles-ci.


21. Le moyen du pourvoi Y21-24.439 n'est donc pas fondé".



 
 
 

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