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L’Histoire change-t-elle les Mormons ou est-ce le contraire ?

Quand on se pose une telle question, devrait-on parler des Mormons majoritaires ou de toutes les communautés ?


De nombreux groupes ont une histoire commune, elle s’est poursuivie durant des dizaines d’années. Les églises qui en sont issues ont parfois appliqué une politique similaire concernant la façon d’appréhender les moments difficiles, les contradictions ou les divergences par rapport au monde chrétien classique.


Dans les mouvements les plus importants, comme dans l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, des historiens ont été nommés dès le début. Les Doctrine & Alliances rapportent l’appel de certains de ces frères par le Seigneur lui-même, comme Oliver Cowdery en 1831. Moroni était d’ailleurs considéré en 421 comme le dernier prophète-historien des peuples ayant émigré en Amérique.

Cette fonction importante destinée à conserver les annales et rapporter la progression et le développement des enfants de Dieu n’était pas qu’une nomination séculière, mais avant tout un appel sacré.


On comprend mieux ainsi la position de l’Église par la voix d’Ezra Taft Benson en 1976 qui préférait que « les historiens utilisent des termes mormons traditionnels et les mêmes phrases que les Saints des Derniers Jours quand ils écrivent dans des publications savantes non-mormones » (The Gospel teacher and his message).

Sans vouloir discréditer le travail des historiens de l’Église, il est facile de comprendre qu’il est parfois impossible pour le public courant de comprendre ou d’évaluer ces fameux termes !


Frère Boyd K Paker alla même plus loin en estimant que « les historiens de l’Église n’avaient pas à publier ou faire référence à des éléments sensibles ou controversés, simplement parce qu’ils ont été exposés par d’autres » (The mantle, page 271). Il insista en précisant que « tout ne doit pas être dit », ce qui d’évidence est contraire à la déontologie de tout historien ayant obtenu les diplômes qui le consacrent comme tel.


On est en droit de se demander si la dénomination d’historien ne devrait pas être appréhendée de façon différente : Qu’on rapporte les évènements de l’intérieur et qu’on les expose de l’extérieur ; le travail de l’extérieur considérant une fonction d’analyste qui est refusée aux premiers. En effet Boyd K Packer exigeait des historiens de l’Église qu’ils soient des témoins, « démontrent et affirment que la main du Seigneur a toujours été présente à chaque heure et à chaque instant dans l’Église depuis ses débuts, jusqu’à maintenant » (The mantle, page 262).

Si cette considération est compréhensible d’un point de vue théologique (ou prophétique), elle défie la liberté d’investigation des chercheurs consciencieux.


Nous pourrions peut-être faire un parallèle avec la notion d’infaillibilité présente dans l’Église Catholique. Cette infaillibilité est malheureusement mise à mal quand on considère l’Article de Foi des Mormons qui expose « que nous croyons en la Bible pour peu qu’elle ai été traduite correctement » !


Brigham Young a souvent dit qu’il s’inquiétait de ce que les Saints plaçaient une trop grande confiance en leurs dirigeants, qu’un jour peut-être l’un d’eux les emmèneraient dans l’erreur !


Voyons cet autre discours :


« Si cette invitation à la rigueur avait été observée par les rédacteurs de la Bible, sans doute n’aurions nous pas entendu parler de l'abandon d'Abraham de sa femme Hagar et son fils Ismaël, de l'ivresse de Noé, de l'inceste de Loth, de l'arrogance de Moïse, de la vacillation de Jonas, de l'impétuosité et la lâcheté de Pierre, de la critique mutuelle de Pierre et de Paul, ou du doute de Léhi… En outre, les Doctrine et Alliances contiennent des condamnations fréquentes de Joseph Smith par le Seigneur. L'histoire sacrée affirme la réalité de la révélation divine et de l’inspiration, mais aussi démontre que les dirigeants de Dieu sont souvent en désaccord et ne suivent pas toujours les révélations divines… » (D Michael Quinn, Être un historien mormon et ses conséquences).


Est-il possible d’accepter dans l’histoire du mormonisme de passer sous silence des difficultés du passé, d’offrir aux Saints un mélange de platitudes, de demi-vérités, d’omissions et de dénégations plausibles ?


On sait pour simple exemple, que des mariages pluraux ont bien été pratiqués par des Apôtres de l’Église entre le premier Manifeste de 1890 et le second de 1904. Ils n’ont pas tous été déclarés renégats pour autant et cette période est totalement passée sous silence. De la même façon, toutes les biographies des Prophètes de l’Église les présentent sous leur meilleur jour, omettant systématiquement toutes les questions polémiques… quand par exemple ils ont dû se cacher pour ne pas être arrêtés par les autorités qui les accusaient de pratiquer la polygamie.


C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, malgré la décision en 1970 d’ouvrir progressivement les archives de l’Église à la consultation libre ; elle ne reconnaît, ni ne recommande aucune étude qu’elle soit canonique, historique ou spirituelle, par un membre non reconnu du groupe de ceux qui sont considérés comme « Autorités Générales ».


Les pressions sont manifestes entre autres sur les professeurs de l’Université Brigham Young qui entreprennent de travailler sur des sujets polémiques par simple souci de clarification. Que doit-on attendre d’une Université qui par essence explore le savoir et l’histoire et qui jouit d’une « liberté académique » ? Le professeur d’histoire D Michael Quinn appelait cela : « publier ou périr ! » On ne vous chasse pas, mais on vous montre la porte ! Il a répondu à la question : « La liberté académique existe à BYU seulement pour ce qui est considéré non-controversée par le Conseil d'administration et les administrateurs de l'Université ».


La Pensée Unique reste l’une des constantes de Mouvements effrayés par la critique ou l’exploration et qui n’acceptent en aucune manière la possibilité d’une réflexion intellectuelle, fût-elle inspirée par un comportement canonique. De cette façon, l’Église s’affranchit non-seulement des applications raisonnables, mais surtout des besoins d’approfondissement qui gêneraient sa progression.


Peut-on accepter que tout ne soit pas dit, que tout ne soit pas débattu, exploré, éclairci ? C’est l’une des citations favorites des Mormons qui annoncent : « La gloire de Dieu c’est l’intelligence ».


Nous savons que cette intelligence procède de la lumière. Peut-on nous reprocher de tenter d’éclairer notre chemin, si nous prenons soin de rechercher l’inspiration avec un cœur sincère ?


Frère Germain

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