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Pourquoi l’Église n’avance plus ?

Soulever une telle question induit une constatation bien étrange : L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours ne serait-elle plus en phase de progression exponentielle ?


Aujourd’hui où le nombre de fidèles n’a jamais été aussi important (15 millions) et où la progression est annoncée comme vertigineuse (en 1947, l’Église comptait son premier million de membres et a atteint les 5 millions en 1981 !), comment pourrait-on imaginer voir le processus s’inverser ?


Certains observateurs prédisaient il y a encore quelques années, que les Mormons pourraient devenir vers 2080, l’une des religions majeures de la planète avec au moins 265 millions de membres (Voir Rodney Stark, « The Rise of a New World Faith », Review of Religious Research 26, 1984, pp. 18-27) – (Carl Mosser et Paul Owen - Savoir Mormon, apologétique et négligence évangélique - Perdons-nous la bataille sans le savoir ? Trinity Journal 19/2, 1998, pp. 179-205).


Les efforts missionnaires, l’attrait de l’organisation familiale et religieuse en réponse au déclin de certaines valeurs, la dynamique charitable face aux grandes catastrophes, l’absence dans la structure où chez les membres eux-mêmes, d’animosité ou de revendications extrêmes, les réponses originales et exaltantes concernant la destinée humaine… tous ces facteurs ont d’une manière ou d’une autre contribué à l’expansion de l’Église.


Depuis au moins une décennie, certaines choses ont irrémédiablement changé pour l’humanité : l’accès à l’information sans limite, et donc à d’innombrables choses cachées, transformées… clarifiant finalement notre connaissance de l’histoire, nous permettant d’accéder au savoir mille fois plus vite qu’auparavant.

Les structures sociales et les mœurs ont aussi évolué vers plus de libéralisme. La recherche a laissé entrevoir des victoires médicales ou psychologiques insoupçonnées nous rapprochant d’une perception technologique de la vie éternelle.


Et la religion ? Anachroniquement, plus vivante, plus présente que jamais ! (Chaque jour voit se créer un nouveau Mouvement, toutes croyances confondues). La spiritualité répond à d’autres besoins et console d’autres manques.

Dans le Christianisme se répand assez universellement une conception de la divinité standardisée qui exclue les approches alternatives. Si bien que poussés par un œcuménisme de plus en plus puissant, ceux qui n’adhèrent pas sont relégués au rang de « sectes associées ». Tandis que celles disposant d’assez de pouvoir numérique sont tolérées (Adventistes, Mormons). Le travail de ces Chrétiens orthodoxes est davantage centré sur un espoir de conversion à leurs vues, plutôt qu’à un combat frontal.


Le dynamisme ou le message original d’un mouvement religieux ne suffirait-il plus à assurer son expansion ? Curieusement là n’est pas le problème, car les conversions se maintiennent. Les réponses des Mormons aux grandes questions métaphysiques demeurent appréciées et répondent aux interrogations de tous ceux qui ne se sentent pas intégrés au Christianisme classique ambiant. Elles séduisent aussi certains de ces Chrétiens qui aspirent à une communion plus puissante qu’offre la révélation continue : aucun membre ne franchit le grand pas du baptême sans être personnellement et intimement convaincu de faire le juste choix.


Non, ce n’est pas parmi les nouveaux membres que se produisent les défections, mais majoritairement au sein des vieilles familles !


De nombreuses études rapportent que les départs sont aujourd’hui presque aussi importants que les arrivées… et que les pratiquants très réguliers ne représentent plus qu’un tiers des inscrits (James K. Walker, Watchman Fellowship, Ministère de la recherche et de l'apologétique chrétienne indépendante). Des journalistes de Reuters, Peter Hendersen et Kristina Cooke, en 2012 ont présenté un article (Le Mormonisme assiégé par l’ère moderne) qui affirme que les plus hauts dirigeants de l’Église majoritaire moderne, ne sont absolument pas conscients du phénomène. Les choses ont depuis évolué, puisque le Président Monson a initié un programme de revitalisation nommé « The Rescue ». Il ne s’attache pourtant pas à répondre aux questions fondamentales des anciens membres qui partent et qui sont rattrapés par de simples interrogations concernant l’histoire de l’Église, ou les changements intervenus dans les doctrines.


Une récente étude en 2014 de Marylin Stewart du « Defend Magazine » pointe les raisons pour lesquelles « Les Mormons quittent l’Église LDS ».

Il est certain que trois phénomènes apparaissent parmi les plus importants : L’accès à l’histoire de l’Église par l’ouverture de plus en plus précise des Archives, l’influence d’Internet qui dévoile de plus en plus précisément les rites les plus sacrés des Mormons et la libéralisation des mœurs qui débride de plus en plus les prétentions des groupes sexuels ou raciaux particuliers.


Sociologiquement, l’analyse devrait apparaître plus complexe, mais il est évident que l’information demeure le nerf de la guerre !


Le simple fait que je puisse écrire cet article aurait paru impensable il y a seulement 20 ans. Beaucoup de membres très fidèles se permettent aujourd’hui de présenter à l’Église, dans des publications de vulgarisation, des suggestions d’organisation.

J’ai relevé l’article de Blog de Matthew Crandall intitulé « La bureaucratie dans l’Église LDS – Affamer la bête ! ».

http://metsikmatthew.blogspot.fr/2013/08/lds-church-bureaucracy-starve-beast.html


Dans cette présentation, l’auteur n’hésite pas à démontrer la nécessité pour l’Église d’ouvrir sa compréhension sur l’organisation de la gestion temporelle. Il cite des cas très précis d’organisation pyramidale bureaucratique en absolue contrariété avec les besoins des membres, avec par exemple l’envoi de livres de Mormon traduits en Lituanien et envoyés en Estonie ! Il explique très simplement que cela n’aurait pas pu arriver si la gestion de l’expédition avait été confiée à un organisme commercial qui gère avec efficacité, plutôt qu’avec une absence de contrôle primaire.


Il fait des suggestions, oui, techniques et très concrètes, en mesure d’économiser de larges sommes sur les 7 milliards de dollars de Dîmes collectés chaque année.

Des dirigeants d’affaires séculières ont depuis toujours soufflé leur bon vouloir sur la distribution des innombrables documents consommés dans l’Église, en parfaite inadéquation avec les impératifs de progression. Matthiew Crandall cite le cas d’une attente de manuels d’enseignement des Doctrine et Alliances qui n’ont pas accompagné la nouvelle traduction en Estonien et donc rendu son étude impossible… et cela simplement parce qu’abandonnée en faveur d’autres projets, alors même que le budget en avait été déjà voté.

J’ai personnellement expérimenté il y a quelques années, la vision bornée d’un responsable éditorial qui imposait pour les magazines de l’Église, des règles absurdes et d’un autre âge, rendant toute collaboration impossible.


Certes on peut comprendre que l’Église s’attache à n’employer que des membres à jour de leurs recommandations pour le Temple, mais ne se prive-t-elle pas ainsi de la collaboration de vrais professionnels en mesure de rentabiliser le travail - Devrait-elle mieux les former ? Ce sont les deniers du Seigneur ! Y réfléchir serait une preuve d’intelligence.


Mais, oui, Internet est une fenêtre ouverte sur la connaissance de toutes choses, y compris des choses de l’Église ! Tout ce qui a été enfoui sous le boisseau, tous les détails de l’histoire de sa restauration, tous les sujets un peu critiques, tous les changements intervenus n’échappent plus à la compréhension des membres. Ils veulent savoir et, en découvrant des points délicats, cherchent à aller plus loin. On ne parle pas encore de l’abondante littérature anti-mormone, ni des études des Églises ou des groupes mormons alternatifs… mais des simples faits et gestes des mormons majoritaires. Les autres articles développés ici en explorent des quantités.


Oui, de très nombreux comptes-rendus alarmants rapportent le départ de familles entières, membres de l’Église depuis des générations. C’est le cas en Amérique où l’accès aux documents est encore plus facile, mais c’est aussi vrai en Europe qui continue à se heurter au comportement de dirigeants d’un autre âge devant des problèmes basiques.


Sous couvert de la protection opérée par une inspiration divine, ces dirigeants finissent par être aveuglés par une forme de rigidité. L’Église le prêche depuis toujours : « Garder la ligne pure et dure de la doctrine du moment ». Seulement la doctrine change dans l’Église majoritaire et on peut espérer que l’esprit de révélation puisse malgré tout inspirer les membres de la prêtrise responsables, de façon plus juste.


On doit raisonnablement et malheureusement continuer à s’inquiéter de ce qui va se passer dans les prochaines décennies, car je ne vois pas comment l’Église pourrait se réformer sans renier la structure dans laquelle elle s’est enfoncée en croyant se protéger.


Frère Germain

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