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Le Son des Prières

Conception de la prière chez les Mormons


Publié le 29 juillet 2017 par Garrigues et Sentiers, Organe œcuménique à Aix-en-Provence



On a rarement évalué le silence assourdissant de la prière, car celle-ci apparaît comme une relation discrète entre l’homme et son créateur. Mais la puissance du dialogue justifie peut-être le titre de cet exposé : le son des prières !


Toutes les religions du monde utilisent cette norme d’échange et lui donnent une infinité d’expressions. Les siècles et la liturgie ont façonné notre plus beau tête à tête avec le divin. Parfois codifié, souvent exprimé dans le secret de notre cœur. La prière silencieuse est universelle, elle demeurera pour toujours à l’abri des contraintes et des interdits. Un pilier dans certaines confessions, une composante du credo pour d’autres. Exprimée, elle s’inscrit aussi dans le rite verbal d’une assemblée, elle accompagne le culte et les cérémonies. Chantée, déclamée, récitée parfois, cette forme de prière est associée à une liturgie qui nécessite d’utiliser les mots appropriés, tous les mots sans oubli. Quelle que soit la religion qui emploie ces formules, elle tâchera de rendre intelligible la cérémonie engagée, que ce soit pour le culte, un mariage, une disparition.


Certaines confessions agrémentent les sacrements ou les célébrations de formules qui tiennent aussi de l’éloge ou de la sanctification. La prière n’est définitivement pas une exclusivité chrétienne, mais parmi la grande diversité des confessions se réclamant du Messie, l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours (plus connue sous le nom d’Église Mormone) attache une grande importance à cette loi :

« Réjouissez-vous en espérance. Soyez patients dans l'affliction. Persévérez dans la prière » Romains 12 : 12.

« Faites en tout temps par l'Esprit toutes sortes de prières et de supplications. Veillez à cela avec une entière persévérance, et priez pour tous les saints » Ephésiens 6 : 18.

« Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, avec des actions de grâces » Philippiens 4 : 6.

« Persévérez dans la prière, veillez-y avec actions de grâces » Colossiens 4 : 2.

« J'exhorte donc, avant toutes choses, à faire des prières, des supplications, des requêtes, des actions de grâces, pour tous les hommes,… » Timothée 2 : 1.

« Parce que tout est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière » Timothée 4 : 5.


Alors que bien des enseignements des Évangiles sont sujets à discussion et interprétations, il existe des principes clairs et communs à tous ceux qui se réclament du Christ. La prière est ainsi une observance naturelle qui tend à réunir les fidèles. Dans les assemblées œcuméniques, sa pratique unifie les fondements du christianisme et parfois bien au-delà dans les communautés du Livre. Un évènement tragique qui regroupera les confessions juives, musulmanes et chrétiennes trouvera les représentants de ces religions unis par la croyance d’un même Dieu, soudés dans la simple prière, sincère et commune.


On notera certes des nuances dans les textes et la façon de prier au sein des plus importantes composantes de la chrétienté, Catholiques, Protestants, mais aussi Orthodoxes des diverses tendances. C’est peut-être chez les Réformés que l’on observera la plus grande simplification, paradoxalement attachée à un culte des origines. La grande « Protestation » du XVIe siècle se voulait un retour aux sources du Christianisme. Aurait-elle dû alors se nommer plutôt « Église Chrétienne Fondamentaliste », cette nuance voulant nous rappeler aux principes fondateurs ? Le XIXe siècle dévoilera d’audacieuses approches : celles des religions révélées. Le nouveau continent sera le plus grand creuset de ces mouvements chrétiens qui se fondent non seulement sur les Évangiles, mais aussi sur l’intervention d’élus disparus, inspirateurs de nouveaux prophètes. Les Mormons se réclament de cette perception !


Toujours au nom de Jésus-Christ, ils privilégient la prière inspirée plutôt que codifiée. Elle est souvent personnelle et donnée en silence, tant les occasions sont manifestes dans la journée, du lever au coucher en passant par la bénédiction des repas, mais elle est très présente dans la compagnie de sa famille ou des membres de la communauté. Ainsi toute activité officielle, publique ou intime sera oralement ouverte et conclue par une prière, avant une ordonnance (sacrement) et dans tous les évènements qui réclameront l’attention ou l’intervention de Dieu.


Jésus-Christ pour les Mormons reste bien le seul intercesseur auprès du Père : « Et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. » Jean 14 : 13-14. Ils considèrent que prier un saint, ce n’est pas « prier pour tous les saints » (Éphésiens 6 : 18) – c’est-à-dire pour la communauté. Il semble que l’expression « parler avec Dieu » est la plus appropriée pour les Saints des Derniers Jours, dont l’Église porte le nom de Jésus-Christ. L’un de ses dirigeants, appelé Prophète-Président, Gordon B.Hinckley, a résumé la force de la prière : « Il n’est rien de plus fécond que se de se mettre à genoux pour prier humblement. C’est un signe d’amour pour la Divinité, de qui provient tout ce qui est bon. C’est un signe de respect de soi. Il n’y a rien de tel. C’est une communication personnelle avec Dieu »


La révélation moderne n’a donc pas modifié une règle originale et complète qui permet aux enfants de Dieu de s’adresser à lui. C’est souvent cet aspect de la Foi des Mormons qui les rapproche de mouvements révélés. Ils sont cependant profondément attachés à tous les enseignements de Jésus-Christ qui nous ont été transmis par les Apôtres et revendiquent avec la même force ce nom de « Chrétiens » entendu pour la première fois à Antioche (Actes 11 : 26). Cependant, il ne suffit pas de se réclamer de Jésus-Christ pour se dire simplement chrétien ! La Révélation ici, pour les Mormons, est cette composante de la « communication personnelle » que relatait le Président Hinckley. Ils croient profondément que Dieu continue de parler aux hommes et bien que ceci soit un autre sujet, cela bouleverse de façon importante la perception de la force de la prière !


Jésus avait nommé ses disciples, il les avait choisis en sa qualité de Fils de Dieu. Ils ont parlé en son nom, inspirés par leur foi en leur Dieu et ils ont continué à révéler sa volonté bien après le départ du Seigneur qui les avaient envoyés répandre la parole. Ainsi ces pouvoirs de nommer des successeurs par l’autorité de la prêtrise et de transmettre de nouvelles révélations étaient encore sur terre à l’époque de Jean (le révélateur) dont le livre de « l’Apocalypse » commence par ces mots : « Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs les choses qui doivent arriver bientôt, et qu’il a fait connaître par l’envoi de son ange, à son serviteur Jean, lequel a attesté la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ, tout ce qu’il a vu. » Nous étions à la fin du Ier siècle !

Il existe encore une polémique quand à la rédaction réelle de ces écritures par ce disciple sur l’île de Patmos, mais une partie des historiens n’attribuent aucun doute à la vertu de ces enseignements aujourd’hui universellement acceptés dans toutes les traductions de la Bible.


Les membres de L’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours reconnaissent comme tous les autres chrétiens que Jean le Révélateur, longtemps après le départ du Christ de son ministère sur Terre, pouvait recevoir des révélations de Dieu, les écrire et les enseigner avec le pouvoir de la prêtrise qui lui avait été conférée et qu’il pouvait à son tour transmettre. Les Mormons pensent donc que Dieu peut (et sans doute doit) continuer de transmettre sa volonté à ses enfants. Si un représentant de Dieu sur la Terre peut diriger l’Église sous cette inspiration, les fidèles eux-mêmes, pour leurs besoins personnels ou familiaux peuvent recevoir dans cette sphère les révélations qui vont les guider avec un sceau divin. Les dirigeants locaux seront ainsi inspirés pour choisir les personnes les plus dignes à remplir certaines fonctions. Cette révélation, cette inspiration, cette assistance ne parviennent que par la prière !


Lorsque l’on observe une autre catégorie de prière chez les Mormons, on doit comprendre que certaines d’entre-elles ont la nécessité impérative d’être codifiées. Il peut s’agir de la bénédiction de la Sainte Cène ou des termes précis qui conduisent l’appel d’un officiant. La parole accompagne une ordonnance divine qui engage ceux qui transmettent et ceux qui reçoivent. En cela, ils ne diffèrent pas de la pratique habituelle des autres chrétiens, mais dans leur attachement à la simple parole sans broderies, ils ne pratiquent pas de façon méthodique la prière écrite.


Ils s’attachent à la règle qui veut qu’avant toute prière, le Seigneur a demandé à ses disciples d’éviter les « vaines paroles » (Matthieu 6 : 7-8) puis leur a donné un exemple : « Voici donc comment vous devez prier » (Matthieu 6 : 9 ). Ainsi pour eux la prière du Seigneur sert de modèle et n’est pas un texte à apprendre par cœur et à réciter de manière répétitive. Le Maître veut simplement que nous priions pour demander l’aide de Dieu dans nos efforts constants pour résister au mal et pour mener une vie de droiture ou lui adresser des louanges.


Thomas S. Monson, l’actuel Président de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours a aussi précisé en 2009 : « La prière donne de la force spirituelle ; c’est le passeport pour la paix. La prière est le moyen par lequel nous nous adressons à notre Père céleste, qui nous aime. Parlez-lui en prière, puis écoutez la réponse. La prière accomplit des miracles ». Un autre grand dirigeant, Dieter F. Uchtdorf a ajouté la même année : « La prière nous aide à surmonter les moments de tourmente. Elle nous fait entrevoir ce ciel bleu que nous ne pouvons discerner depuis notre perspective terrestre et elle nous révèle un autre panorama, celui d'un horizon spirituel glorieux, rempli de l'espoir et de l'assurance des radieuses bénédictions que le Seigneur a promises à ceux qui l'aiment et le suivent ».


Ainsi prier est une méthode bien plus efficace que nos moyens de communication modernes pour nous approcher du divin, c’est tout autre chose que de la servilité, de l’idolâtrie ou de la demande d’indulgence. Elle a d’ailleurs, de l’avis de certains chercheurs, des effets positifs, observables et mesurables sur la santé. Une thérapie qui n’en dit pas le nom. Parler avec le Seigneur est un acte d’affection, de reconnaissance de son pouvoir, mais aussi de son amour. Qui peut raisonnablement entretenir la méchanceté dans son cœur quand il fait l’effort de cet acte d’intelligence ? « Lorsque vous priez, ne soyez pas comme le hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues, pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense, mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le lieu secret ; et ton père, qui voit dans le secret, te le rendra » Matthieu 6 : 5-6.


Voici en résumé la vision Mormone de la puissance et du son des prières : pour les fidèles, chaque jour est un jour de prière, qu’il soit férié ou non. Il existe d'ailleurs une plaisanterie qui résume l’attachement des Mormons pour la prière : il faut trois Mormons pour changer une ampoule, un pour changer l’ampoule, un autre pour faire la prière d’ouverture, un dernier pour la prière de clôture !


En 2010, l’Archevêque de Chicago, président de la conférence épiscopale des États-Unis, le Cardinal Francis George a conclu ceci dans la relation pacifiée entre les Catholiques et les Mormons lors d’une visite à l’Université Brigham Young en Utah, devant 23.000 personnes : « J’apprécie, avec reconnaissance, le fait qu’après 180 ans d’éloignement les uns des autres, Catholiques et Saints des Derniers Jours soient parvenus à se voir mutuellement comme des partenaires de confiance dans la défense des principes moraux communs. »


Frère Germain


L’auteur de ce texte n’est plus membre de l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours depuis l’an 2000, bien qu’il ait accompli une mission à l’étranger pendant 2 ans et assuré pendant plus de 35 ans de nombreuses fonctions et responsabilités dans les communautés du sud de la France. Son étude des textes sacrés, sa réflexion, son cheminement particulier et ses prières ferventes l’ont porté à se tourner vers une communauté attachée aux fondements du rétablissement de l’Église originelle en 1830.

Il est aujourd’hui délégué en France des Mormons Fondamentalistes Indépendants qui comptent dans le monde environ 15.000 membres. Le mouvement n’a pas de clergé ni de dirigeant, car sa revendication est de pousser l’Église mormone majoritaire à simplement considérer l’ensemble des révélations modernes.


Nota : La version de la Sainte Bible adoptée par les Mormons est celle de Louis Segond, utilisée par les Protestants. Les textes sacrés cités ici sont extraits de la version de 1996.

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