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Soyons raisonnables !

Alors que dans les premiers temps de la restauration de l’Évangile – disons entre 1830 et 1890 – chez les mormons majoritaires ayant choisi Brigham Young comme successeur à Joseph Smith et les mouvements dissidents préférant suivre d’autres héritiers auto-déclarés ; les querelles restaient basées sur des questions testamentaires. Ce n’est qu’après le premier Manifeste (1890) que davantage de schismes apparurent, Les factions se querellant cette fois sur des principes doctrinaux ou une volonté de conserver un certain fondamentalisme. Certes dès le début, des dirigeants se séparant contredirent des principes encore balbutiants et naviguèrent sur la dangereuse affirmation de révélation, mais le glissement vers la désapprobation d’une ligne libérale contre une ligne conservatrice n’apparu que plus tard. Elle semble aujourd’hui l’une des revendications les plus importantes.


Pourrions-nous maintenant analyser cette question avec circonspection et prôner une approche raisonnable ?


Je me baserai sur une intervention d’Ezra Taft Benson lors d’une conférence générale d’Avril 1969 qu’il fit deux ans après ma conversion. Cet Apôtre nommé en 1943, fut d’ailleurs Président du Conseil des Douze lorsque je le rencontrais dans le cadre de ma mission en 1973. Il devint à son tour Président de l’Église en 1985.


Cet homme m’avait beaucoup impressionné par son autorité cléricale manifeste et l’esprit de force spirituelle qui émanait d’une présence douce et inspirée. J’ai toujours attaché une grande importance à ses interventions et c’est donc avec beaucoup de respect que je les analyse aujourd’hui dans le cadre de ma propre progression.


Dans ce discours, il abordait la question des divisions dans l’Église, mettant l’accent sur le principe destructeur des préceptes humains. Certes au fond de chacun de nous se niche ce sentiment de la prédominance des enseignements (et des recommandations) de Dieu. Nous comprenons que ses voies sont bien plus sages que nos aspirations et qu’il nous rappelle constamment de suivre une existence conforme à ce qui pourrait être entrevu dans un monde que nous appelons le Royaume de Dieu. Mais nous ne vivons pas encore dans cet environnement idéal, nous sommes coupés de notre certitude de son existence au profit d’une Foi construite à grand peine. Nous espérons en ce chemin idéal, merveilleux et toujours inaccessible !


L’Église nous rappelle alors de nous concentrer sur les choses les plus simples, qui sans paraître évidentes, nous ramènent continuellement à des principes doctrinaux. Tout écart laisse le champ libre aux sollicitations du Monde ou de Satan (certains diront que c’est la même chose), de manière à nous pousser à chercher plus loin, à raisonner, à interpréter, à contester même le moment venu.


Ezra Taft Benson, dans ce discours aborde la question ainsi :


« Grâce à leur propre raisonnement et quelques écritures mal appliquées, ils (certains membres) essaient de nous vendre les préceptes et les philosophies des hommes. Ils ne trouvent pas l'Église assez progressive, ils disent que l’on doit accepter l'Évangile social et socialiste de la chrétienté apostate (les autres églises chrétiennes) ». Il cite d’ailleurs Georges Q Cannon, qui lui-même après avoir été Apôtre ou Conseiller polygame de quatre Présidents/Prophètes, exprima des divergences avec le canon de l’Église :


« … nous ne pouvons concevoir qu’un homme qui a honnêtement des différences d’opinion avec les Autorités de l'Église soit un apostat ; mais nous ne pouvons pas imaginer que cet homme publie ces divergences d'opinion et les expose par des arguments, sophismes et autres approches spéciales, pour les faire respecter, jusqu’à produire sur les gens des divisions et les conflits et de placer les actes et les conseils des autorités de l'Église, par certains moyens, dans une mauvaise lumière, sans être considéré là comme apostat. Un tel comportement se compare à la compréhension que nous avons du terme « apostasie ». (Gospel Truth, Deseret Book Co., 1974, vol. 2, pp. 276-77).


C’est une présentation constante de nombreux dirigeants : Ne pas s’éloigner de la ligne pure et dure de l’Évangile ! Ezra Taft Benson cite Reuben Clark Junior ou David O Mc Kay. Il les résume avec cette approche :


« Parfois, nous entendons quelqu'un parler d’une division dans l'Église. En réalité, l'Église n’est pas divisée. Cela signifie simplement qu’il y en a certains qui, pour le moment au moins, sont membres de l'Église, mais pas en harmonie avec elle. Ces personnes ont un statut de membre temporaire… ; mais à moins qu'ils ne se repentent, ils seront manquants lorsque les dossiers d'adhésion finaux sont comptabilisés ».


Cette affirmation fait naître beaucoup de craintes pour les membres qui osent seulement « réfléchir » ! Ils peuvent bien détenir leur certificat de membres, la séparation du grain et de l’ivraie n’est pas encore faîte et rien de ce qui les réconforte dans l’évangile n’est définitif tant que l’on n’aura pas fait l’appel !


Frère Benson expose une nette différence entre l’Église et les fidèles !

« Le Seigneur fait la distinction entre l'Église et ses membres. Il a dit qu'il était content de l'église restaurée, collectivement parlant, mais pas individuellement. (D & A 1:30) ».


On peut en effet comprendre que Judas qui était parmi les fidèles a renié et trahi et donc a été retranché. Mais cet épisode qui s’est passé sur la terre en présence du Christ ne s’est pas produit lors du jugement dernier – de ce fait chacun se trouve dans une situation précaire, et animé par la crainte, plutôt que par la Foi.


Ezra Taft Benson dans ce discours renchérit :


« Non seulement y a-t-il au sein de notre milieu des apostats, mais il y a aussi des doctrines apostâtes qui sont parfois enseignées dans nos cours et sur nos chaires et qui apparaissent dans nos publications. Et ces préceptes apostats des hommes poussent notre peuple à trébucher. Le Livre de Mormon, en parlant de notre époque, affirme : « . . . Ils sont tous égarés, sauf un petit nombre, qui sont les humbles disciples du Christ ; néanmoins, ils sont conduits de telle façon qu’ils s’égarent en bien des cas, parce qu’ils sont instruits par les préceptes des hommes » (2 Néphi 28:14).


Il cite de nombreuses doctrines qui à son sens sont apostâtes comme par exemple le contrôle des naissances. Je pense que c’est un sujet approprié, car la question est fondamentale. Sur le principe des relations sexuelles, nous comprenons très bien ce que le Seigneur commande et dans le fond de nos cœurs, nous faisons tous parfaitement la différence entre ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Certes diverses églises chrétiennes aujourd’hui s’adaptent au monde moderne en « recommandant » des principes qui pourraient ne pas être en désaccord avec la loi de Dieu, sans pour autant pousser leurs membres à se reproduire comme des lapins ! Mais plutôt que de demander une obéissance aveugle à la loi de multiplication, sans toutefois encourager la luxure auquel l’appel à l’acte pousse, ne pourrions nous pas « expliquer » simplement le programme de Dieu (qui certainement n’a pas non plus interdit le plaisir). Car en effet, le principe de l’attirance (qui n’est d’ailleurs pas seulement limité au genre humain) est un « dommage collatéral » à la loi du « croissez et multipliez », il en fait partie pour une raison très compréhensible : Sans le désir irrépressible de nous rapprocher de l’autre sexe, les hommes (et les femmes) auraient depuis longtemps abandonné la loi divine et son Plan aurait avorté ! Cette force qui nous pousse vers le plaisir produit le résultat pour lequel il a été créé : donner à toujours plus d’âmes, l’occasion de rejoindre la famille humaine afin d’accomplir la gloire de Dieu.

La pureté sexuelle que réclame le Seigneur se satisfait de la chasteté et de la morale. Elle ne requiert aucunement de se limiter à la procréation. Un rapport de la conférence générale d’octobre 1949 rapporte : « Vous n’avez pas besoin de connaître tous les détails des processus de reproduction pour rester propre ». Nous n’avons pas besoin de connaitre la mécanique pour faire avancer un véhicule à roue, répondrais-je ! Nous n’avons besoin de connaître que peu de choses pour demeurer de fidèles sujets de Dieu, mais accomplissons-nous là l’une des raisons pour lesquelles Dieu nous a créés : Progresser dans notre connaissance de toutes choses !


Nos mouvements religieux les plus puritains ont produit un commandement détestable : ne nous unir que pour procréer ! Au risque de produire l’effet inverse.

Jacques Rossiaud dans « La prostitution médiévale, Éditions Flammarion, 1988 », le démontre avec beaucoup d’autres auteurs contemporains : C’est l’Église Catholique elle-même qui exploitait les 3000 bordels parisiens du 15e siècle.


On ne peut pas dissocier l’homme de son créateur. En lui donnant le libre arbitre, il l’a poussé a explorer ses capacités et se tourner vers lui-même pour mieux se comprendre et ainsi comprendre Dieu. Si on ne vivait que pour appliquer dans nos vies les stricts commandements et permissions des églises qui se disent inspirées par Dieu, je crains que nous n’ayons jamais pu nous élever suffisamment pour simplement appréhender ce que Dieu attend réellement de nous.

Le raisonnement n’est donc pas l’ennemi de l’intelligence. Brigham Young l’a dit : La gloire de Dieu c’est l’intelligence. Je crois aussi que le don que Dieu a fait aux hommes est le libre arbitre. En nous donnant la capacité de « réfléchir », il nous a permis d’une certaine façon de nous rapprocher de lui.


Je crois réellement que la crainte de l’Église est de voir les hommes s’écarter d’elle. Ne leur retire-t-elle pas ce libre arbitre et cette capacité de choix sans lequel nous n’avons aucune alternative ?

L’Église aurait certainement plus à gagner de gérer elle-même ses « cercles de réflexion » plutôt que de les condamner comme apostats.

Si l’Église n’est pas « les membres », la prêtrise n’a pas besoin de l’Église. Les membres de la prêtrise peuvent vivre les principes divins dans la liberté de leur relation personnelle avec Dieu. Ce qui est important c’est de pouvoir agir au nom du Seigneur pour accomplir ses œuvres et ses ordonnances. L’Église est une institution qui est considérablement plus fragile que la prêtrise, car elle construit une société qui éloigne fatalement l’homme de sa communication personnelle. On lui donne tout, on lui commande tout, on lui interdit ou l’autorise et on le bride dans un carcan qui ne produit que de la crainte de ne pas être « recevable ».


L’instruction est ici l’ennemie de la révélation et du progrès personnel.


Je ne suis pas en train de dire que nous devrions renverser l’Église. Je dis qu’elle doit faire confiance à ses vrais convertis, qui avant d’être des membres de son institution, sont des enfants de Dieu qui l’aiment, le respectent et sont conscients des innombrables bienfaits qui leur a prodigués, dont celui de pouvoir raisonner ! Si la Foi est réelle, profonde, inspirée et canalisée par les écritures et les prières, les risques de dérive sont considérablement restreints.


Dieu l’a souvent dit : je donne aux hommes des lois et je les laisse se diriger eux-mêmes.


Nous ne pourrons pas réaliser le Plan de Dieu si nous agissons comme des moutons.

L’Église sera certes ainsi en ordre, mais nous le savons, peu seront élus, car ce parcours est d’une grande difficulté, même pour les plus fidèles. Le changement de cœur qui nous permet de nous rapprocher du ciel doit être avant tout sincère. Nous l’avons lu plus haut : A quoi sert-il d’avoir une Église si nombre de ses fidèles sont hypocrites. Qui Dieu recevra-t-il ? Le fidèle dans ses devoirs envers l’Église ou celui qui a consacré sa vie à se convertir et à comprendre la puissance de la vraie fidélité ? Raisonnons et soyons raisonnables !

Frère Germain

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